Depuis le début de l'épidémie, le coronavirus a malheureusement fait plusieurs milliers de victimes. Parmi eux, des médecins, des infirmier(e)s, des aides-soignant(e)s ...
Mais il y a aussi tous ces soignants dont les infirmier(e)s libéraux qui sont touchés, infectés au covid pendant leur exercice. Ils font aussi partie de la 1ère ligne qui sont au front, sans protections, sans recommandations ...
Le recensement des idels face au Covid-19 :
A l'heure d'aujourd'hui l'Ordre National des Infirmiers demande à ce que les infirmier(e)s infectés par Coronavirus soit recensés.
L'URPS Auvergne - Rhône-Alpes sonde les infirmier(e)s libéraux de ces régions pour analyser l'impact de la pandémie sur la santé des idels. (Vous êtes idel de la région AURA ? le sondage est disponible sur cette page => SONDAGE )
Les idels touchés par le Covid-19:
Il y a des jours qui ne se ressemblent pas. En ce matin du 1er Mai, j'ai reçu le témoignage de Dorothée, infirmière libérale sur Romans-sur-Isère dans la Drôme (26).
Dorothée est infirmière libérale, est maman de 2 jeunes enfants, et est épouse. Le Coronavirus s'est imposé dans sa vie. Une vie professionnelle et personnelle chamboulé, cassé.
J'ai été émue de son témoignage, émue car chacun de nous, pouvons se retrouver dans cette situation. Elle m'a donné sa confiance pour partager son témoignage.
C'est avec beaucoup d'humilité que je vous retranscris sa lettre.
Lettre de Dorothée en date du 29 Avril 2020 :
Cher Covid 19,
Oui pourquoi pas "cher" car cela fait plus d’un mois que l’on se côtoie maintenant. Même si il y a des rencontres que l’on n’aurai préféré ne jamais faire. Toi tu t’es imposé.
Mais "cher" ami je me serai volontiers passé de toi bien que tu sois mondialement connu en ce moment !! On ne parle que de toi.
Tu nous en fais voir de toutes les couleurs enfin plutôt dans les 50 nuances de gris.
Bon puisque tu m’as envahi tu me connais un peu mais je me représente quand même.
Dorothée bientôt 45 ans mariée 2 enfants de 10 et 6 ans. Je suis en bonne santé en temps normal. Je ne suis pas une grande dormeuse ni grande sportive.
Je suis infirmière libérale à Romans sur Isère (26) (je reviendrais dessus un peu plus tard).
J’adore mon jardin, cuisiner, ma famille (dont une nièce de 19 ans ayant la mucoviscidose donc avec un petit rajout de stress en cette période), mes ami(e)s et les cafés, les apéros les discussions légères (pas trop le cas en ce moment) …tout cela me manque.
Nous ne sommes pas à plaindre nous avons une maison à la campagne avec un grand jardin, j’admire sincèrement les familles confinées dans de petits logements sans extérieurs.
Pour revenir à moi, les premiers symptômes bien visibles sont apparus le 30 mars et ont démarré en flèche. Un test rhinopharyngé a été effectué le 1er avril et s’est révélé positif au covid19 (1er avril .. . ce ne fut pas un poisson).
Dès les apparitions de ces symptômes je me suis isolée seule dans ma chambre en évitant les contacts avec mon mari et mes enfants, difficile pour eux. Pas de câlins, inquiétude et angoisse de me voir ainsi.
Voici les symptômes :
- Grosse fatigue, couchée la première semaine, je n’ai jamais autant dormi avec des périodes de + de 12 heures d’affilée. Impossible de me lever
- Perte d’appétit total (-3kgs)
- Douleurs musculaires
- Maux d’estomac
- Céphalées
- Essoufflement
Puis la deuxième semaine toujours très grosse fatigue, toujours pas d’appétit, +/- douleurs musculaires, essoufflement, oppression.
L’activité physique, même les simples gestes de la vie quotidienne sont impossibles. Obligée de m’asseoir pour tenir une conversation… J’ai même hésité à mettre un siège dans ma douche !!
Jusque-là pas de fièvre… ce qui étonne tout le monde et on me dit : "bah ça va passer c’est bientôt fini…" moi aussi je pensais être sur pieds et en super forme au bout de 15 jours… mais non.
Petite amélioration le weekend end de Pâques (10/11 avril)… puis le 12 Avril, un petit 38°, une toux qui s’installe…. Bon je me dis ça va passer puisque TOUT le monde dit qu’en 15 jours on est rétabli (même ma prévoyance santé qui ne conçoit pas que je ne reprenne pas le travail et les démarches administratives un vrai parcours du combattant).
Jeudi 16 avril, là je ne me sens pas bien la toux augmente. Je suis mise sous antibiotiques (azithromycine). L’amélioration se fait sentir au bout de 5 jours. Visite chez le médecin à la fin du traitement, l’auscultation pulmonaire est bonne.
Là, je me dis que ça va aller encore une fois. Je fais relativement de bonnes nuits, au réveil je me dis super ça va bien ce matin.
Mais cet espoir est de courte durée.
Mon test c’est la douche… Et oui rien que ce geste tout simple reste très pénible physiquement, obligée de m’allonger 1h pour récupérer.
Certes la fatigue mais côté sommeil il n’y a plus de soucis. Mais physiquement c’est tout autre chose, j’ai beaucoup de mal à récupérer, l’appétit n’étant pas formidable non plus c’est donc difficile de reprendre des forces.
Moi qui aime temps m’occuper de mon jardin, je ne fais que l’admirer et encore quand j’ai le courage de sortir.
Et dans tout ça je vous avoue que moralement c’est très difficile aussi. Non pas que je trouve le temps long. Bien au contraire je ne vois pas les journées passer tout en ne faisant rien. Je pense que mon cerveau s’est conditionné en mode repos et le corps suit, de toute façon c’est repos forcé. Moi qui suis d’un tempérament actif. D’ailleurs heureusement que mes collègues/copines de travail le savent et je les en remercie car je leur alourdi considérablement la tâche de travail en ce moment et cela me désespère car ce n’est pas moi. Je ne les remercierais jamais assez. Mais malheureusement à ce jour je me sens incapable d’assumer ma profession, je ne pourrais tenir le coup physiquement et pourtant, cela me manque, mes patients me manquent.
En parlant de travail je tiens à présenter le collectif d’infirmier(e)s de Romans sur Isère (26) et Bourg de Péage (26) qui s’est créé pour faire face à cette pandémie de covid19, avec comme toujours des difficultés à se protéger correctement par manque de matériel, par des incompréhensions, manque de reconnaissance. Mais là une super équipe est née et je leur tire mon chapeau !!! Très belle solidarité !
Aujourd’hui, 29 avril, la toux, les douleurs musculaires réapparaissent encore avec de la fièvre depuis hier. Et cette oppression qui est là en permanence, soulagée quelques jours par un traitement à la cortisone sans plus. Nouvelle consultation avec médecin, on passe au Budesonide et Salbutamol pour ces quintes de toux et surveillance de la fièvre.
Je désespère.
Certes mon cher Covid19 tu n’es peut être plus en moi (difficile à savoir car les contrôles sanguins ne sont pas réalisés à ce jour), mais les séquelles sont toujours là, pour combien de temps ? Suis- je encore contagieuse aussi ?
Je ne fais pas partie des cas plus malchanceux (réanimation, décès…) mais je suis à bout.
Les jours se suivent mais ne se ressemblent pas, il y a des hauts et surtout des bas, les symptômes partent, arrivent, reviennent…. A quand la fin ? Si un jour il y a une fin, séquelles à vie ?
En ce qui concerne les décisions prises pour le déconfinement, pas encore clairement posées et en attente des résultats statistiques avant le 11 mai, je vous dis juste RESTEZ CHEZ VOUS !!!
La rentrée scolaire de septembre sera à mon avis déjà avec beaucoup de contraintes alors laissez nos enfants respirer tranquillement jusque-là.
Je ne vois pas mon fils porter un masque toute la journée au collège. Oui certes en Asie les enfants le font mais ils ont été élevés avec !!
Même moi je me pose la question à la reprise, comment vais-je supporter mon masque si mes essoufflements sont toujours présents ?
Pour le reste (transports en commun, réouverture de magasins…) j’espère que nous n’en paierons pas les conséquences fin mai début juin avec une grosse seconde vague…
Ah " cher "covid19…pourquoi ?
"Cher" covid19, je ne te fais pas la bise
"Cher" covid19, je ne te dis pas à bientôt
"Cher" covid19, je ne te demanderais qu’une seule chose….disparait.
Mais même si tu disparais tu nous auras marqué à jamais. Personne n’aurait pensé qu’en 2020 nous aurions à vivre tout cela.
La vie va changer, rien ne sera jamais comme avant.
De toute cette période il faudra en retirer des leçons et ne garder que "le meilleur" c’est à dire garder les points positifs avec nos changements dans nos habitudes de vie, les liens familiaux, l’entraide ….
Mais toutes les souffrances resteront.
Pourquoi ce texte ? pour parler, me soulager, témoigner, signaler que ce n’est pas que 15 jours de repos et que tout va bien loin de là, pour alerter.
" Cher Covid-19, laisse-moi tranquille."
Je vais en oublier mais je remercie ma famille, mon mari, mes enfants, mes ami(e)s, collègues de travail, mes patients pour les messages de soutien, pour les livraisons et «ma petite paillette étoilée" ;) qui me fait rire !!
Merci à vous tous qui m’apportez du réconfort au quotidien. Et pour moi c’est très important.
Merci à tous sur le terrain face au covid 19 quotidiennement.
La bataille continue soyons forts, soyons vigilants, soyons responsables, soyons compréhensifs, restons solidaires.
"Cher" covid-19 laisse-moi tranquille.
Dorothée
Je vous invite à partager le témoignage de Dorothée pour lui apporter tout notre soutient face à ce virus et lui montrer notre solidarité afin de lui souhaiter un bon rétablissement.
________________________________________________________________________
Merci Dorothée. Bon rétablissement à toi.
Comments